« Un bon café, c’est très rare », paroles de torréfacteur

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Pierre Boislève. Avant de prendre sa retraite, le torréfacteur de la rue Garat a transmis sa passion à son successeur.

Le torréfacteur Pierre Boislève vient de passer les clés du magasin Deuza au local de l’étape Peio Elgorriaga. Une lourde responsabilité pour ce quadragénaire désormais à la tête d’une maison quasi centenaire. Heureusement, Pierre Boislève lui a transmis tous ses secrets avant de raccrocher. Cela tombe bien, le spé- cialiste de l’arabica et du robusta est né dans une tasse de café il y a soixante-sept ans. 
 
« Sud Ouest ». D’où vient le nom de la Maison Deuza ? Pierre Boislève. Certains clients me disaient qu’ils connaissaient des membres de la famille Deuza. Mais il n’y a aucun rapport. Deuza vient de « 2 A ». Les créateurs de cette boutique s’appelaient Amespil et Althabe. Ils ont passé le relais à Félix Ospital qui a lui même vendu le magasin aux sœurs Irazuzta. J’ai repris leur affaire en 1994.
 
C’était un hasard ? Pas du tout. Mes parents étaient torréfacteurs à Angoulême. J’ai tout appris avec mon père. Pendant mes études à Paris, j’ai travaillé dans la maison réputée de la place de la Madeleine, Hédiard. J’ai conseillé du beau monde, Claude Brasseur, Sophia Loren, Brigitte Bardot, etc. Je suis revenu en Charente où j’ai longtemps géré deux magasins. Mais j’ai voulu tourner une page et m’installer au Pays basque.
 
Un importateur de café, Philippe Carricaburu, m’a signalé à l’époque que les sœurs Irazuzta voulaient passer la main. C’est comme ça que je suis arrivé à Saint-Jean-de-Luz. Je ne le regrette pas, mais les débuts ont été difficiles. J’ai mis cinq ans avant d’être bien accepté. Je n’étais pas d’ici… C’est bizarre quand on y pense. Le café et le thé ne viennent pas du Pays basque non plus !
 
Qu’est ce que le café signifie pour vous ? C’est toute ma vie. Un bon torréfacteur doit observer, se remettre en cause, et prendre en compte tous les détails : l’humidité ambiante, la température, le produit, les réglages de la machine. Un ordinateur pour nous remplacer ? Mon œil ! C’est pour cela que j’ai transmis tous mes secrets, pour éviter que ce savoir-faire ne disparaisse.
 
Vous avez conscience que les gens passent par la rue Garat juste pour sentir le parfum du café torréfié de votre machine Samiac ? Quand le vent du sud se lève, les nageurs qui sont dans la baie peuvent le sentir, c’est vrai. L’ancienne fleuriste de la place du Collège, Annie, pouvait prédire quand il allait pleuvoir. Quand le vent d’ouest soufflait, elle sentait le parfum de mon magasin. C’est vrai que le café est un beau produit. Il a une image très sensuelle et conviviale. Regardez les publicités, il y a toujours de belles femmes. Ou d’hommes. Il y a Georges Clooney quand même.
 
Le goût n’est pas toujours sensuel dans les bistrots pourtant… C’est vrai qu’un bon café, c’est très rare dans le coin. Mais il n’y a rien de surprenant. La majorité des bars traitent avec de gros fournisseurs. La matière première n’est pas de qualité. Et les grosses machines sont mal nettoyées. La démocratisation des capsules n’a rien arrangé car ces produits sont bourrés d’arômes artificiels. Résultat, les gens finissent par perdre la connaissance du produit. Une anecdote : en voyant les grains de café sécher à l’entrée du magasin, certains clients me demandaient combien valaient mes cacahuètes !
 
Un article écrit par Arnaud Dejeans pour le Sud Ouest 16/05/2015

Maison
centenaire

Torréfaction
artisanale

Savoir faire
« ancestral »

Établissement
certifié bio